Ce "roman", Mort d'un jardinier, quand je l'ai goûté, je suis parti pour le lamper d'un trait et puis je me suis ravisé pour m'en garder un peu tous les soirs, ce qui n'a pas arrangé mon sommeil, car refaire le voyage au bout de la vie de Lucien Suel et parallèlement refaire le sien propre, invoquer les mânes de Kit Carson, feuilleter l'album des poètes de sept ans, parcourir la carte du Tendre, craindre d'être un jour un assis, genoux aux dents, vert pianiste, repenser à ces livres que l'on a lus et qui vous serrent le coeur, respirer le parfum des tilleuls en fleurs et surveiller les petits pois qui vont sortir, ramasser les feuilles mortes à la pelle, tremper la madeleine dans le café au lait, écouter trois petites notes de musique qui vous font la nique du fond des souvenirs, entendre les voix chères qui se sont tues et la cloche du vieux manoir qui sonne le retour du soir, se rouler dans l'herbe mouillée, se baigner dans une eau fraîche, caresser la mousse et le galet, vous apercevoir que votre fille a vingt ans, rire et pleurer en dormant, tourner les yeux vers les étoiles puis contempler le trou qui vous accueillera ou le feu qui vous consumera, ne se fait pas sans dommages collatéraux.
Cela posé, Mort d'un jardinier, à travers une écriture à sensations, est un beau livre de vie et de mort, d'amour et d'amitié, foisonnant, fourmillant, léger et profond, touchant et chaleureux, d'un frère humain.
Ferdinand Cheval, un autre jardinier