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13 mars 2018

Touche pas à mon porc

Le cochon est une personne

Métamorphoses du Jour -  JJ Grandville 
...
  ━ Nénette, t'as le cochon dans le maïs...
    Et il s'en retournait vite en bord de touche où des hurlements lui annonçaient qu'il s'était passé quelque chose d'important.
    Ma mère chaussait ses sabots et s'en allait dans le maïs.
    Elle appelait doucement.
 ━ Pilou, Pilou, Pilou...
    Au bout d'un moment il arrivait le drolle, le porc. Content. On aurait dit qu'il souriait. Il se dandinait de ses deux cents kilos comme une grosse truie qu'il n'était pas. Il grognait de plaisir. Déjà il commençait à se rouler par terre, à se  mettre sur le dos. Il attendait la caresse pareil à un petit chien. Ma mère lui parlait comme à un enfant.
 ━ Petit, petit, petit, joli, joli, joli...
    Et le porc de se tordre et rigoler. Demandant qu'on lui gratte le ventre, qu'on lui peigne la soie, qu'on lui flatte la couenne, qu'on discute avec lui. Un énorme bonbon de tendresse, rose dans le vert du maïs.
    Ma mère l'amadouait bien vite. Il la suivait tranquillement jusqu'au parc à cochons, au "courtey" au fond du jardin. Il y rentrait sagement comme on rentre à la maison. La perspective de la gamelle sans doute...
    Souvent, quand elle l'enfermait, ma mère entendait une immense clameur venue du stade.
 ━ Ah, disait-elle doucement au cochon, ils ont du gagner...
...
Extrait de Pilou dans XV histoires de rugby de Patrick Espagnet 
Editions Culture Suds

Cochon d'Espagne - Vallée du Baztan (il a l'air dubitatif)

    Etel et moi, nous l'avons connu, Pilou, (ou bien son frère) tranquille dans son havre au fond du  beau jardin,  tout comme Nénette qui nous disait qu'elle s’échappait en pleurant quand venait l'heure de l'envoyer ad patres, le Pilou.

[Le porcochon nous plonge également dans des abîmes de réflexions sémantiques. Pourquoi dit-on : ━ Madame la charcutière, donnez-moi s'il vous plait, trois côtelettes de porc et deux pieds de cochon. Et aussi :  ━ Celui-là, une vrai tête de cochon ! ━ Ah lui, c'est un gros porc !]

Albertus Magnus - De animalibus

Le cochon, qui n'était pas en odeur de sainteté au Moyen-Âge, est absent mais son cousin sauvage, le sanglier, le représente.

02 juin 2009

Les mots en fête d'Espagnet


Il est mort à Bordeaux le 18 janvier 2004, non sans avoir mangé, la veille, une galette des Rois, et regardé un match de rugby d'hiver. Il serait illusoire, le temps aidant, de vouloir faire de Patrick Espagnet un chantre de l'art poétique ou du roman picaresque, voire un héros charismatique du journalisme, où il ne trouva qu'un abri de gros chat trempé.
Son oeuvre, fatalement réduite à l'intervalle d'une vie écourtée, porte cinq recueils de nouvelles, de textes et de poésie, notamment autour de la tauromachie. Bien peu pour un tel pourvoyeur de ballons qui allait s'essayer au roman policier, et probablement donner quelques sketches à son copain Moscato, tonton flingueur du rugby, la planète qu'il respirait par les tripes.
Espagnet était entier, tendre-larmoyant, musicien, chicaneur, excessif, pas adapté à l'époque des costumes anthracite. Il vivait d'amours mortes, de cris plus ou moins étouffés, de textes jouissifs, escorté de quelques pintes qui ne furent pas toujours ses meilleures amies. Il croisait peu de médecins, qu'il trouvait très pessimistes.
Un passeur du Sud
Personnage double, happé par les tribulations urbaines et en même temps ravi par sa famille naturelle des petites gens de la terre, prudent comme un lémurien, mais aussi bretteur des comptoirs sans sommeil, bras levés dans la feria et ruiné de désespoir dans les nuits pisseuses de novembre.
C'est ce conteur émerveillé et casse-berles label rouge, pas facile à transvaser dans les conférences de presse bien peignées, que nous n'avons jamais revu. Un passeur du sud du Sud-Ouest, des bois plus sauvages que les Landes, dont il possédait le langage et les croyances. Mais, plus que l'homme lui-même, tel qu'il fut parmi nous ici-bas, c'est l'idée de Patrick Espagnet qui perdure chez ceux qui l'ont aimé, tel l'inspirateur de cette manifestation, l'auteur et scénariste Christophe Dabitch. C'est-à-dire ce qu'il a laissé à notre imaginaire, la générosité, le goût des mots cuisinés, le talent de la transmission, une écriture incisive, surprenante par ses fulgurances et sa sensibilité de harpe.
Des saveurs d'humour
Dans sa quête fraternelle, Espagnet recomposait surtout la nature profonde des êtres, sans les trahir, avec une chaleur de cuistot et des saveurs d'humour testées sur les cobayes de la buvette. Il parlait d'un monde réel, cruel souvent, mais sauvé par un paquebot de sentiments, qui, tout bien pesé, nous allait mieux.
Le festival Espagnet est donc une incongruité dans le ciel des manifestations littéraires, avec son inauguration d'allées, son repas sous les marronniers, ses expositions, ses spectacles donnés par la Compagnie Vieussens, son rassemblement de dinosaures venus des profondeurs de la Gascogne.
Un rendez-vous sentimental probablement, qui vise à replanter le bonhomme dans l'alios de la Haute-Lande, en écoutant la petite musique ramenée par le vent.
Vendredi 29 mai à Sillas. Samedi 30 mai à Grignols. Réservations pour repas et spectacles : 05 56 65 01 20.

Article reproduit in extenso tellement qu'il est beau, qu'on croirait le toucher l'Espagne, de Christian Seguin, journal Sud-Ouest, sans aimable autorisation.

20 octobre 2007

Chandelle

A l'Atrium, à Dax, le 19 octobre, Chandelle, un spectacle de Christian Vieussens et Cie sur les nouvelles de Patrick Espagnet extraites de XV histoires de rugby, Editions Culture Suds.
[ deux oreilles et la queue]

(Au fond à droite, le régional de l'étape, Yves Bouquet, Bouquetyves, le Tolstoï de la Torte, à l'accordéon.)

02 février 2007

Le peuplier

Le peuplier ne pleure pas comme le saule. Non, lui, on a plutôt l'impression qu'il sourit. Si peu qu'un petit vent lui fasse la bise, il a un espèce de friselis content, un frisson de sourire, un tremblement d'oiseau effrayé par l'orage.

Un stade nous tient à cœur parfois à cause d'un arbre. J'en connais un à Bègles avec qui j'ai des complicités muettes et une véritable amitié. C'est un peuplier, là-bas au coin, entre le fronton et le stade de foot.

On se parle sans mots. Il me montre le vent. Il me dit le ciel. Il se fait caresser par la pluie. Il chantonne le temps, celui qui passe, celui qu’il fait. Il apprivoise la grêle. Il calcule les grives. Il désigne les nuages de la seconde mi-temps. Il sait les horizons bien avant qu'ils n'arrivent...

Patrick Espagnet
XV HISTOIRES DE RUGBY
Culture Suds, Bordeaux

[Patrick Espagnet, un (difficile) ami disparu]