Affichage des articles dont le libellé est Jean Poueigh. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Jean Poueigh. Afficher tous les articles

17 avril 2020

L'asouade

    L'asouade ou course de l'âne "asoade, brenade, tambourinage" désigne le châtiment infligé naguère au mari qui s'était laissé battre par sa femme. Faire courir l'âne (ha courre l'asou) avait pour but de ridiculiser publiquement. Cela consistait en une exhibition-promenade par les rues de village et les chemins communaux, de l'animal sur lequel l'infortuné avait été juché à califourchon, mais tête à croupe, tenant la queue dans ses mains  en guise de bride et paré d'attributs féminins, tels qu'une cornette déchirée le coiffant et la quenouille au côté. A chaque halte, comme pour les charivaris ordinaires, le plus qualifié de la bande, pareil à quelque jongleur médiéval, chantait sur le mode satirique et bouffon les hauts faits vexatoires qui motivaient semblable punition. La haie de curieux bafouait impitoyablement au passage le pauvre patient : "Harri, youts dus! lo mei asou qu'ei dessus! En avant tous deux! le plus âne est dessus!" Jusqu'à ce qu'un quidam ayant déjà "couru l'âne" pour son propre compte, vînt délivrer son confrère en arrêtant la bête.

Jean Poueigh - Le folklore des Pays d'Oc - La tradition occitane - Payot Paris 1952


    L'Aquitain n'a pas toujours été très fin. D'autres régions, autres que le Midi pratiquaient-elles semblable cavalcade ? : on en trouve une trace chez la Comtesse de Ségur (qui vivait en Normandie à Aube dans l'Orne où elle avait son château, mais elle avait peut-être fait quelques tours dans le Sud) dans  Diloy le chemineau

LE GÉNÉRAL
Sois tranquille, mon garçon ; nous ne dirons rien. Mais tu t’enfonces dans une mauvaise route, mon ami : un mari qui a peur de sa femme, c’est risible, parole d’honneur.
MOUTONET
Ce n’est pas que j’aie peur, monsieur le comte, c’est que je l’aime bien et que je ne veux pas la mécontenter.
LE GÉNÉRAL
Ta ! ta ! ta ! je connais cela ; j’en ai vu plus d’un ; quand la femme gronde, le mari ploie le dos, et la femme tape dessus. Et tu sais ce qui arrive à un homme battu par sa femme ?
LAURENT
Quoi donc, mon oncle ? Qu’est-ce qui arrive ?
LE GÉNÉRAL
Le village se rassemble, on place le mari de gré ou de force sur le dos d’un âne, le visage du côté de la queue, et on le promène dans tous les hameaux de la commune.
LAURENT
Mais c’est très amusant, cela ; moi, cela m’amuserait beaucoup.
LE GÉNÉRAL, RIANT.
Ah bien ! quand tu te marieras, tu pourras te procurer ce plaisir.

Dessin de Horace Castelli pour Diloy le chemineau de la Comtesse de Ségur
Paris, Hachette, 1887

    Mais le Landais, le Gascon, l'Occitan n'étaient pas les premiers à enfourcher leur monture à l'envers. A Volubilis au Maroc, près de Meknés, on trouve une mosaïque romaine dans la Maison du Desultor, d'un athlète ou d'un acrobate conduisant à l'envers un âne mais il a plutôt l'air rigolard et il tient une coupe en main (il vient sans doute de gagner une épreuve d'Intervilles de l'époque), ce n'est donc pas un mari battu.


    Les Chinois ne sont pas en reste : il ne s'agit pas ici de mari battu ou cocufié mais de pure élévation de la pensée :  On peut lire dans le chapitre "La cultivation inverse et l'emprunt du gong" du livre Zhuan Falun que Zhang Guolao, l'un des Huit immortels taoïstes, est assis à l'envers sur son âne; peu de personnes savent pourquoi il est assis à l'envers sur son âne :  Zhang Guolao a découvert qu'aller de l'avant revient à aller en arrière (sic), c'est pourquoi il chevauche son âne en sens inverse."(src)


    Aller de l'avant revient à aller en arrière, voilà un concept auquel j'adhère sans réserve bien qu'il ne soit pas startupien. 

04 février 2015

Lou ristoun

ou l'arristoun

Ristoun : Endroit où l'on gorge les bœufs. Action de gorger les bœufs. (ristoulier : râtelier)
Abbé Vincent Foix,  Dictionnaire gascon-français


 Lou ristoun - Intérieur landais
Alphonse Benquet - 1857- Tartas -1933

Les bouviers des Landes habituent la race bovine du pays à passer la  tête par une ouverture, nommée atieste, ristou, et à prendre de leurs mains la paille, les herbes grossières, les feuilles sèches, entourées de feuilles de maïs ou de bon foin, qu'ils leur distribuent, bouchée par bouchée. Le bétail auquel a été donnée cette accoutumance ne sait plus manger au râtelier.
Jean Poueigh - Le folklore des pays d'oc - La tradition occitane - Payot - 1952

Dans les Landes de Gascogne, l'habitat rural d'autrefois (localement appelé oustaù) présentait des estaulîs ou des ulheyres, doubles ouvertures pratiquées dans la cloison de l'étable et que fermaient deux petites portes liées l'une à l'autre et glissant dans la rainure à hauteur d'appui. C'est par cette sorte de guichet, donnant souvent dans la cuisine, sur l'un des deux côtés du foyer, mais toujours dans la pièce munie d'une cheminée, que les bœufs passaient leur tête pour recevoir de la main du bouvier assis sur son trépied (lou trubés) le pachedeuy, petits paquets de paille broyée ou d'autre fourrage dans lequel il plaçait à mesure un peu plus de son et qu'il passait un à un dans leur bouche, durant des heures entières.


Lou pachedeuy -  Intérieur landais
Photographie de Ferdinand Bernède - Arjuzanx 1869 - Dax 1963

Image number : 05-534806
Inventory Number :
Collection : Popular art
Title : Intérieur dans les Landes (lou pachedeuy)
Description : carte postale F.Bernède à Morcenx, Landes
Photo Credit : (C) MuCEM, Dist. RMN-Grand Palais / A. Guey
Production site : Landes (département français) (origine)
Location : Paris, MuCEM, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
Keywords : chair . furniture (representation of) . house (interior) . intérieur rustique . interior scene . peasant . rural life

[reposons un peu les pieds sur terre]

16 novembre 2014

Les mille et une vaches

Hans Krüsi - sans titre, 1983 - Art brut.ch
gouache et aquarelle au pochoir sur papier, 70 x 100 cm.

Sortent alors les bêtes à corne (bestia de corno, bacàdo, vaqueris) : les vaches (bàcos, vàcos, et en basque behiak), pleines (préis) , stériles (mànos), suitées (tiarrèros) ou séparées du veau (anoulhèros); les boeufs (bióus, buèeus et en basque idiak) les taureaux  (taures); les veaux (bedèls, vedéus) [ici, on dit vetèth] sevrés (massós) ou non sevrés (tiarrous); les génisses non sevrées (massónos  ou de plus d'un an (bimos).
Les noms de vaches dérivent de la couleur du pelage, de la courbe des cornes, de la conformation de la bête, et de son caractère : Arroujo, Arroujéto, Roujo, Roujéte, Roujane, noms de vache à la robe rouge ou rougeâtre; Baieto, baie; Barbólo, comme la barbe ou fraise des coqs, membrane rouge qui leur pend sous la tête; Bermèlho, couleur de froment; Braquéto, marron roux ou de petite taille; Bruque, dont les cornes sont dressées en avant, Cabirólo, du nom du chevreuil femelle, vache dont les cornes sont roulées en spirale et pointues d'un coté, ou dont une corne pointe en avant et l'autre en arrière; Camparole, blanchâtre ou gris clair comme certain champignon; Caplàdo, dont les cornes sont basses et semblent aplaties sur la tète; Cap-nèro, à tête noire; Cardino, du nom du chardonneret femelle; Castàgno, Castagnine, couleur de châtaigne; Caubarole, dont les cornes sont repliées en dehors; Couloumo, du nom de la colombe, Esquirole, du nom de l'écureuil femelle, Gajólo, pommelée; Galhàdo, tachée de blanc; Guilhéto, rouge avec des taches brunes comme la petite griotte; Haubino, Haubète, Haubole, blanche, blanchâtre ou gris clair; Houchéto, dont les cornes sont fourchues, recourbées; Husole, dont les cornes affectent la forme d'un fuseau; Martiólo, du nom de la martre; Mascàrdo, Mascarino, noire ou tachée, zébrée de noir; Miràlho, qui a le front étoilé, en Rouergue; Mouràdo, Mouràno, Mouréto, au museau taché de brun, ou brune, couleur de café comme More; Paloumo, Palouméto, du nom de la palombe; Pigue,1001 Piguéto, du nom de la pie, blanche et tachée de noir; Poulido, jaune paille et de belle apparence; Pouméto, diminutif du mot pomme; Pregoune, profonde, creuse; Roubino, bai clair; Sauréto, Saurmé, rousse; Saubàgno, Saubane, Soubàgno, rousse tirant sur le noir, ou bigarrée de roux et de noir; Trauèsso, qui marche de travers...

[Il n'y a pas que Trauèsso qui marche de travers.]

1001 La Pigue, la vache qui m'était affectée chez mon oncle. D'après son nom, elle aurait du être noire et blanche (pigue de pica pica : la pie) mais non, elle était d'une couleur uniforme lie de vin. Il avait du se passer le même phénomène qui avait conduit mes parents à appeler leur chien blanc, Black.

Jean Poueigh
Le folklore des Pays d'Oc
La tradition occitane
Payot 1952
Graphie occitane et basque de l'auteur.
Ouvrons le parapluie

Chagall Marc, La Vache à l'Ombrelle, 1942.
 Collection du Musée d'Art Moderne de Céret.

Au nom de la vache

Matricule 4042
Étaient-ils couillons, nos pauvres parents pas si lointains, pour aller donner un nom à leurs vaches quand il était si simple de leur donner un numéro. Dodolphe, le précurseur, l'avait bien compris, lui qui faisait tatouer sur le bras de ses hôtes son numéro personnel, les habillait de pyjama à larges rayures et les faisait coucher empilés les uns sur les autres pour qu'ils se tiennent chaud.
Mais allons plus loin : les poulets, les canards, les oies, les pintades, les dindons, les pigeons, les lapins avaient-ils un nom. Non mais il n'étaient pas de la race supérieure des mammifères.


Félix Arnaudin - Croix de bénédiction du bétail - Grande-Lande
Musée d'Aquitaine

Autres temps, autres mœurs

30 septembre 2013

Vendanges à la main

tardives cette année,
en mosaïques


Le coupeur - Khirbet al-Mukhayyat - Jordanie


Le porteur - Khirbet al-Mukhayyat - Jordanie


Panier de transport - Khirbet al-Mukhayyat - Jordanie
pré-comporte  ou pré-pastière


Autunno,Taccuino Sanitatis, Casanatense
Résumé de la vendange, pour celles et ceux qui n'auraient pas compris

Vertumne (dieu étrusque des récoltes et de l'abondance) détail. Giuseppe Arcimboldo 

Poudo-me dabant que ploure
Foucho-me dabant que bourre,
Bino-me dabant que flouri;
Te farai béuré de boun  bî.

Taille-moi avant que je pleure,
 Pioche-moi avant que je bourgeonne, 
Bine-moi avant que je fleurisse, 
Et je te ferai boire du bon vin.
La vigne