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18 décembre 2024

Le voyage initiatique

Dans mon souvenir, elle ressemblait bien à ça

   On l'appelait la Micheline, (le nom provenant d'André Michelin) mais aussi la Pauline (en référence à Jean-Raoul Paul, directeur de la Compagnie des chemins de fer du Midi de 1913 à 1932). Le terme le plus approchant en exactitude devait être la Pauline encore que ce ne devait être ni l'un, ni l'autre mais  un autorail unifié à kiosque U150 (Unifiés 150 chevaux). A l'époque on ne savait rien de ces finesses techniques et l'on ne se posait pas de questions .
 
Le passage à niveau de Peyrouton

Pedibus jambus, venant du Gond, on la prenait cette Micheline à la halte de Peyrouton, (petit Pierre ou petite pierre) à 8h54 sur le trajet Dax Mont de Marsan à 3.7 kms de la gare de Dax (départ  8h47)

La halte de Narrosse

et l'on filait vaillamment  vers la halte de Narrosse (étymologie non déterminée) 
au km 7,0. (9h1)
(La SNCF a vendu, il y a quelques dizaines d'années les maisons de Garde-barrières)

La gare de Hinx

Après l'arrêt de rigueur, voilà que nous repartions jusqu'à la gare de Hinx (9h13) [du latin fines : limites entre peuples, frontières (c'était déjà l'étranger)] au km 14.5'.

Gare de Gamarde-les-Bains

Nouvel arrêt ( 9h21) à  Gamarde (etym : peut être source ferrugineuse), 18.5 km et nouveau départ pour  Montfort  (comme son nom l'indique)


Ah oui, elle filait bon train, cette Micheline Pauline, pour ma part, j'aurais voulu qu'elle  ne s'arrête jamais,


Mais déjà, ce pont nous indiquait que nous étions bientôt arrivés 

La gare de Montfort en Chalosse

 Et nous touchions au but : (9h37) la gare de Montfort (Monhòrt de Shalòssa en gascon) (km 22,0) où habitait notre grand-mère.
(A nouveau pedibus jambus, on devait se colleter une bonne marche à pied pour arriver à destination.)

Je n'ai jamais été plus loin, je n'ai jamais fréquenté la halte de Lourquen (km 28,5), les gares de Mugron (km 32,7) de Montaut-Landes (km 40,8), la halte d'Augreilh (km 44,8), les gares de Saint-Sever-Landes (km 47,9) de Mauco-Benquet (km 56,9) et et Mont-de-Marsan (km 64,0) mais je me rattrape, j'y fais désormais de la marche à pied et du vélo (c'est devenu une voie verte sur presque tout le trajet).

               : reseau-train-ho-de-paquito40 (en déshérence)


Et puis, et puis je laisse la parole à mon ami Marcel qui raconte beaucoup mieux que moi ses émois ferroviaires :

    J’aurais voulu prendre dès le lendemain le beau train généreux d’une heure vingt-deux dont je ne pouvais jamais sans que mon cœur palpitât lire, dans les réclames des compagnies de chemin de fer, dans les annonces de voyages circulaires, l’heure de départ : elle me semblait inciser à un point précis de l’après-midi une savoureuse entaille, une marque mystérieuse à partir de laquelle les heures déviées conduisaient bien encore au soir, au matin du lendemain, mais qu’on verrait, au lieu de Paris, dans l’une de ces villes par où le train passe et entre lesquelles il nous permettait de choisir ; car il s’arrêtait à Bayeux, à Coutances, à Vitré, à Questambert, à Pontorson, à Balbec, à Lannion, à Lamballe, à Benodet, à Pont-Aven, à Quimperlé, et s’avançait magnifiquement surchargé de noms qu’il m’offrait et entre lesquels je ne savais lequel j’aurais préféré, par impossibilité d’en sacrifier aucun. Mais sans même l’attendre, j’aurais pu en m’habillant à la hâte partir le soir même, si mes parents me l’avaient permis, et arriver à Balbec quand le petit jour se lèverait sur la mer furieuse, contre les écumes envolées de laquelle j’irais me réfugier dans l’église de style persan. 

20 mars 2024

Le temps de lire

Robert et Marcel Proust en 1877
 par Modeste Chambay

     Papa (donc Robert Proust, frère de Marcel) s'en étonnait autant que moi, il disait en riant : " Le malheur c'est qu'il faut que les gens soient très malades ou se cassent une jambe pour avoir le temps de lire la Recherche. "

    Adrienne "Suzy" Mante-Proust in Souvenirs.

25 janvier 2022

L’œil du monocle

   Comme la vue de Swann était un peu basse, il dut se résigner à se servir de lunettes pour travailler chez lui, et à adopter, pour aller dans le monde, le monocle qui le défigurait moins. La première fois qu’elle lui en vit un dans l’œil, elle ne put contenir sa joie : « Je trouve que pour un homme, il n’y a pas à dire, ça a beaucoup de chic ! Comme tu es bien ainsi ! tu as l’air d’un vrai gentleman. Il ne te manque qu’un titre ! »

Fritz Lang par Florence Meyer Homolka
   

 Dans ce temps-là, à tout de qu’il disait, elle répondait avec admiration : « Vous, vous ne serez jamais comme tout le monde » ; elle regardait sa longue tête un peu chauve, dont les gens qui connaissaient les succès de Swann pensaient : « Il n’est pas régulièrement beau si vous voulez, mais il est chic : ce toupet, ce monocle, ce sourire ! »



Eça de Queirós ou Queiroz

 « Il n’est pas positivement laid si vous voulez, mais il est ridicule ; ce monocle, ce toupet, ce sourire ! », réalisant dans leur imagination suggestionnée la démarcation immatérielle qui sépare à quelques mois de distance une tête d’amant de cœur et une tête de cocu)»




Paul Meurisse


Et en ces hommes, au milieu desquels Swann se trouva enserré, il n’était pas jusqu’aux monocles que beaucoup portaient (et qui, autrefois, auraient tout au plus permis à Swann de dire qu’ils portaient un monocle), qui, déliés maintenant de signifier une habitude, la même pour tous, ne lui apparussent chacun avec une sorte d’individualité.





Capitaine Haddock-Tintin-Les 7 boules de cristal

Peut-être parce qu’il ne regarda le général de Froberville et le marquis de Bréauté qui causaient dans l’entrée que comme deux personnages dans un tableau, alors qu’ils avaient été longtemps pour lui les amis utiles qui l’avaient présenté au Jockey et assisté dans des duels, le monocle du général, resté entre ses paupières comme un éclat d’obus dans sa figure vulgaire, balafrée et triomphale, au milieu du front qu’il éborgnait comme l’œil unique du cyclope, apparut à Swann comme une blessure monstrueuse qu’il pouvait être glorieux d’avoir reçue, mais qu’il était indécent d’exhiber ;

Lady Troubridge


– Comment, vous, mon cher, qu’est-ce que vous pouvez bien faire ici ? à un romancier mondain qui venait d’installer au coin de son œil un monocle, son seul organe d’investigation psychologique et d’impitoyable analyse, et répondit d’un air important et mystérieux, en roulant l’r :

– J’observe.








Karl Lagerfeld

Le monocle du marquis de Forestelle était minuscule, n’avait aucune bordure et, obligeant à une crispation incessante et douloureuse l’œil où il s’incrustait comme un cartilage superflu dont la présence est inexplicable et la matière recherchée, il donnait au visage du marquis une délicatesse mélancolique, et le faisait juger par les femmes comme capable de grands chagrins d’amour. Mais celui de M. de Saint-Candé, entouré d’un gigantesque anneau, comme Saturne, était le centre de gravité d’une figure qui s’ordonnait à tout moment par rapport à lui, dont le nez frémissant et rouge et la bouche lippue et sarcastique tâchaient par leurs grimaces d’être à la hauteur des feux roulants d’esprit dont étincelait le disque de verre, et se voyait préférer aux plus beaux regards du monde par des jeunes femmes snobs et dépravées qu’il faisait rêver de charmes artificiels et d’un raffinement de volupté ; et cependant, derrière le sien, M. de Palancy qui, avec sa grosse tête de carpe aux yeux ronds, se déplaçait lentement au milieu des fêtes en desserrant d’instant en instant ses mandibules comme pour chercher son orientation, avait l’air de transporter seulement avec lui un fragment accidentel, et peut-être purement symbolique, du vitrage de son aquarium, partie destinée à figurer le tout qui rappela à Swann, grand admirateur des Vices et des Vertus de Giotto à Padoue, cet Injuste à côté duquel un rameau feuillu évoque les forêts où se cache son repaire.

Sylvia von Harden par Otto Dix


– Ç’a été d’abord un nom de victoire, princesse, dit le général. Qu’est-ce que vous voulez, pour un vieux briscard comme moi, ajouta-t-il en ôtant son monocle pour l’essuyer, comme il aurait changé un pansement, tandis que la princesse détournait instinctivement les yeux, cette noblesse d’Empire, c’est autre chose bien entendu, mais enfin, pour ce que c’est, c’est très beau dans son genre, ce sont des gens qui en somme se sont battus en héros.








Raoul Hausmann- autoportrait

Puis sa souffrance devenant trop vive, il passa sa main sur son front, laissa tomber son monocle, en essuya le verre. Et sans doute s’il s’était vu à ce moment-là, il eût ajouté à la collection de ceux qu’il avait distingués le monocle qu’il déplaçait comme une pensée importune et sur la face embuée duquel, avec un mouchoir, il cherchait à effacer des soucis.



Tristan Tzara
Il traversa rapidement l’hôtel dans toute sa largeur, semblant poursuivre son monocle qui voltigeait devant lui comme un papillon... 
Une voiture à deux chevaux l’attendait devant la porte ; et tandis que son monocle reprenait ses ébats sur la route ensoleillée,... 
Quelle déception j’éprouvai les jours suivants quand, chaque fois que je le rencontrai dehors ou dans l’hôtel – le col haut, équilibrant perpétuellement les mouvements de ses membres autour de son monocle fugitif et dansant qui semblait leur centre de gravité – je pus me rendre compte qu’il ne cherchait pas à se rapprocher de nous et vis qu’il ne nous saluait pas quoiqu’il ne pût ignorer que nous étions les amis de sa tante.

À la recherche du temps perdu

07 septembre 2021

Charles attend


   J'avais été conquis par "Ça va Lise" mais "Charles attend" que je possédais à l'instar de la fille de Françoise, retrouvé chez Marcel Proust m'a toujours beaucoup impressionné.  

  "La fille de Françoise, au contraire, parlait, se croyant une femme d’aujourd’hui et sortie des sentiers trop anciens, l’argot parisien et ne manquait aucune des plaisanteries adjointes.
Françoise lui ayant dit que je venais de chez une princesse : « Ah ! sans doute une princesse à la noix de coco. » Voyant que j’attendais une visite, elle fit semblant de croire que je m’appelais Charles. Je lui répondis naïvement que non, ce qui lui permit de placer : « Ah ! je croyais ! Et je me disais Charles attend (charlatan). » Ce n’était pas de très bon goût. Mais je fus moins indifférent lorsque, comme consolation du retard d’Albertine, elle me dit : « Je crois que vous pouvez l’attendre à perpète. Elle ne viendra plus. Ah ! nos gigolettes d’aujourd’hui !"

Marcel Proust vers 1892

« [...] votre saxe psychologique, ce petit Marcel [...] tout simplement exquis. »

05 mai 2016

Cocoricôôô !

Enfin le printemps !


Zhang Daqian (張大千, 1899-1983)


Tête de coq - Victor Hugo


(la chute m'ennuie un peu)

Patrick Roegiers
La nuit du monde
Le 18 mai 1922, au Ritz,
rencontre entre Marcel Proust & James Joyce


    Barthélémy l'Anglais, Livre des propriétés des choses
    Paris, avant 1416. Traduit par Jean Corbichon
    Reims, Bibliothèque municipale, ms. 993, fol. 155v.-156

Texte pris chez Barbaut, té !

26 janvier 2015

Iris et Libellule

Un peu de poésie dans ce monde de frustes.


Lorrain (Paul Duval, dit Jean). Manuscrit autographe signé d'un poème daté d'avril 1895, sur un éventail (68 x 36 cm) orné d'une aquarelle. Papier vélin fort monté sur 8 brins de bois clair façon bambou. Iris avec une libellule.
Longs pétales de soie et calices funèbres,
Je suis, fiers iris noirs, fervent de vos ténèbres ;
Thyrses de crêpe éclos jadis aux bois dormants
Vous êtes délicats, monstrueux et charmants.
Fleurs d'ombres à la fois candides et subtiles,
La chasteté du mal vit dans vos cœurs hostiles
Et vous semblez garder, pour l'amour de Sigurd,
Le vallon où Brunhild dort son sommeil obscur.
Un éternel défi jaillit de vos corolles,
Et je vous vois, iris, fleurir en auréoles
Les tempes de ceux-là qui, désirant toujours
Ne consentent jamais, — fleurs des vierges amours ...

J.L. Par Félix Vallotton

« Lorrain,avait une tête poupine et large à la fois de coiffeur vicieux, les cheveux partagés par une raie parfumée au patchouli, des yeux globuleux, ébahis et avides, de grosses lèvres qui jutaient, giclaient et coulaient pendant son discours. Son torse était bombé comme le bréchet de certains oiseaux charognards. Lui se nourrissait avidement de toutes les calomnies et immondices. »
Léon Daudet in Souvenirs




Jean Lorrain (Paul Duval, dit Jean) par Sem
[ Le poète tel qu'on le rêve. Il s'est battu en duel avec Marcel Proust. Ça a dû être joli ! ]

11 juin 2012

Pétéchie

Un faux-ami


PÉTÉCHIES
(pé-té-chie) [ça va, on a compris] s. f. pl.

Terme de médecine. Taches pourprées, semblables à des morsures de puces, qui se manifestent souvent sur la peau durant le cours des maladies aiguës les plus graves.

Ital. petecchie ; latin du XVe siècle pestichiae, de pestis, peste, parce que la peste s'accompagne souvent de pétéchies.
Littré
 
Image empruntée au Journal d'un Epicurien et de sa Mona

Prochains dossiers : L'eau phéniquée; Le curare; L'atropine.

03 avril 2011

Analyse d'urine

« Mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outremer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied,-encore souillé pourtant du sol de leur plant,-par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum. »

A la recherche du temps perdu - Marcel Proust
Texte via  Journal d'un épicurien


Asperge, Asparagus officinalis
1885, Gera, Germany

[ Tout ça pour dire que quand on pisse après avoir mangé des asperges, ça sent bizarre, même que la première fois que j'y ai fait attention, j'ai cru que j'avais chopé une saloperie.]  

L'asperge des sables des Landes est .