Las de la vie casanière qu'il menait en France, M. Pêche partit un jour en Russie; puis voulant pousser plus loin son voyage, il s'embarqua à bord d'un navire, mais il fut assailli par une violente tempête pendant la traversée de la mer Noire.
La peur terrible qu'il avait éprouvée lui occasionna un malaise violent qui ne se dissipa que quelques jours plus tard lorsque, étant descendu à terre pendant la traversée de la mer Rouge, il but une bonne bouteille de vin, avec trois cardinaux de ses amis, tandis que le soleil mourait à l'horizon, dans le rouge flamboiement des pourpres infinis.
Pour se chauffer, il vint passer quelques semaines en Chine. Invité par un mandarin fort aimable dont il avait fait la connaissance, il allait souvent avec son hôte cueillir des citrons et des oranges dans un superbe jardin planté de soleils et magnifiquement situé au bord du Hoang-ho (Fleuve jaune).
Presque rasséréné, il reprit le Transsibérien, brûla la Russie, l'Allemagne et la France et vint s'installer sur les bords de la Méditerranée, à Monte-Carlo. Là, dans un champ de bleuets, proche de sa maison, il s'attardait souvent à contempler la grande Bleue, dans le calme et la sérénité d'un ciel aussi pur qu'une âme sans reproche.
Mais ces jours heureux ne pouvaient satisfaire longtemps l'humeur errante de M. Pêche. Il affréta un navire pour revenir en Afrique, et, un soir, il allait planter sa tente à la lisière d'une forêt d’ébéniers, lorsqu'il aperçut une troupe de nègres qui venait vers lui. Alors, il s'enfuit précipitamment.
A pied, souffrant horriblement de la chaleur, il traversa sans boire la Nubie, l’Abyssinie, l'Egypte, la Tripolitaine et le Sahara, arriva au Cap vert et se commanda une absinthe. Mais un spectacle terrifiant, une querelle entre un perroquet et un alligator, attira son attention, et, comme M. Pêche était très impressionnable, il s'en alla plus loin chercher la paix et le repos, abandonnant là son absinthe.
Mais tous ces voyages avaient détraqué l'organisme du pauvre homme. A bout de forces, effroyablement pâli par l'anémie, M. Pêche vint mourir sur le Mont Blanc, par un temps de neige, en buvant le lait d'une chèvre blanche qui assista, seule, aux derniers moments de cet intrépide Globe-Trotter.