23 mars 2007

Tour de France

IV. Le département des Landes, voisin de la Gironde, est loin de lui ressembler. C’est l’un des moins fertiles et des moins peuplés de la France, l’un de ceux où l’industrie des habitants a le plus besoin de suppléer à la pauvreté du sol. Il est couvert de bruyères et de marécages et, en bien des endroits, ne nourrit que quelques maigres troupeaux de moutons. Pendant longtemps on crut que rien ne pourrait venir dans ce terrain stérile, mais on a fini par reconnaître qu’un arbre peut y croître et le fertiliser : le pin, qui en couvre maintenant une grande partie et dont on récolte la résine.

Résiniers des Landes : Le pin est un arbre très précieux et qui devrait être plus répandu, car il croît sur les terrains les plus pauvres; il assainit et fertilise le sol; de plus il est d’un bon rapport (50 fr. en moyenne par hectare). Outre son bois, on tire chaque année du pin la résine. Pour cela, des ouvriers font une entaille au dessous de laquelle ils placent un petit pot: la résine sort goutte à goutte et remplit ce pot, qu’il suffit de revenir chercher au bout de quelques mois. On devrait, par un sage calcul d’hygiène et d’agriculture, couvrir de pins une foule de pays incultes, qui, pauvres aujourd’hui, seraient bientôt enrichis et assainis par cette plantation.LXXXVII. – Grands hommes de la Gascogne : Montesquieu, Fénelon, Daumesnil et Saint Vincent de Paul. *
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C’est dans ce pays, plus pauvre encore autrefois, que naquit, d’une humble famille, un enfant qui est devenu par sa charité un des gloires de la France. Saint Vincent de Paul est né à Dax. Tout enfant, il gardait les troupeaux. Elevé au milieu de la pauvreté, de la misère, il en éprouva plus vivement le désir de la soulager. Il consacra sa vie entière à secourir les infortunés. C’est lui qui a établi en France les hospices pour enfants abandonnés.
Oh ! je le connaissais déjà, ce saint-là, dit Julien, et je l’aime depuis longtemps. Je sais qu’il obtint des richesses et dépensa en un hiver trois millions pour nourrir la Lorraine** qui mourrait de faim. Mais j’avais oublié où il était né, et je suis bien aise de le savoir.
En même temps, Julien regarda dans son livre une image qui représentait un pâtre des Landes suivant les troupeaux sur des échasses ; car il y a de nombreux marécages dans les Landes, et on se sert d’échasses pour ne pas s’enfoncer dans la vase. Cette image amusa beaucoup Julien. Peut-être bien, se disait-il, que Saint Vincent de Paul, quand il était petit, gardait comme cela des troupeaux, monté sur des échasses. Je suis sûr à présent de ne plus oublier où est né le bon Saint Vincent de Paul.

Un berger des Landes: On appelle échasses deux perches ou bâtons munis d’une espèce d’étrier ou fourchon qui soutient le pied. Elles sont serrées aux jambes par des courroies. Les échasses ne sont pas seulement un jouet d’enfants, les pâtres des Landes et du bas Poitou s’en servent pour marcher dans les marais et les sables.
* Augustine ne cite pas Montaigne, elle trouvait peut-être qu'il sentait le soufre.
** "Ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine!"
Extrait du manuel scolaire: Le tour de la France par deux enfants de G.Bruno (pseudonyme de Mme Augustine Fouillé née Tuillerie), édition de 1877. A partir de 1906, Loi de 1905 oblige, Saint-Vincent de Paul disparait.
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