19 janvier 2011

Froissart à Orthez



Gaston Phébus entouré de chasseurs - Le livre de chasse

 Jean Froissart : Le comte Gaston de Foix, dont je parle, en ce temps que je fus devers lui, avoit environ cinquante-neuf ans d'âge. Et vous dis que j'ai en mon temps vu moult de chevaliers, rois, princes et autres; mais je n'en vis oncques nul qui ne fût de six beaux membres, de si belle forme, ni de si belle taille et viaire bel, sanguin et riant, les yeux vairs et amoureux là où il lui plaisoit son regard à asseoir. De toutes choses il étoit si très parfait que on ne le pourroit trop louer.


De l'ours et de toute sa nature -  Le livre de chasse - Bnf

Jean Froissart,  vers 1337 Valenciennes, après 1404, chroniqueur free-lance, est invité tous frais payés chez Gaston III de Foix-Béarn , Orthez 1331, dit Fébus ou Phébus, Phœbus. Ce dernier mourra au cours d’une chasse à l’ours , à L'Hôpital-d'Orion (prés de Sauveterre-de-Béarn),à lâge de 60 ans, en 1391.

"Malgré sa courtoisie , des crimes, abominables même pour l'époque, souillèrent la mémoire de ce prince : il tua son frère naturel, Pierre Arnaud, attiré dans un guet-apens.
Son jeune fils, touché du délaissement où Gaston tenait sa mère, reçut, un jour de Charles le Mauvais, son oncle, le conseil de jeter dans les aliments de son père une certaine poudre qu'on lui donna, et qui devait rendre à sa mère tout l'amour de son mari. Le crédule enfant tente l'expérience ; la poudre était du poison. Son père demande vengeance aux états, qui essaient vainement de protéger contre le vicomte de Béarn ce fils qu'ils regardent comme innocent."
(Sur Histoire des départements)

Froissart commence par tirer à Gaston  le joli portrait plus haut cité puis il s'interroge sur ce qu'est devenu le fils de Gaston, nommé également Gaston. Il ne questionne pas le principal intéressé, tente sa chance auprès d'un vassal puis recueille un témoignage auprès d'un écuyer.


Voici comment Froissart raconte la mort de l'enfant : 


Je tendois trop fort à demander et à savoir, pour tant que je véois l'hostel du comte de Foix si large et si plantureux, que Gaston, le fils du comte, étoit devenu, ni par quel incidence il étoit mort; car messire Espaing de Lyon ne le m'avoit voulu dire. Et tant en enquis que un écuyer ancien et moult notable homme le me dit. Si commença son conte ainsi en disant:

«Lors fut mis l'enfès en la tour de Ortais.
«Le jour de son trépas, ceux qui le servoient de manger lui apportèrent la viande et lui dirent: «Gaston, vez-ci de la viande pour vous.» Gaston n'en fit compte et dit: «Mettez-la là.» Cil qui le servoit de ce que je vous dis, regarde et voit en la prison toutes les viandes que les jours passés il avoit apportées. Adonc referma-t-il la chambre et vint au comte de Foix, et lui dit: «Monseigneur, pour Dieu merci! prenez garde dessus votre fils, car il s'affame là en la prison où il gît, et crois que il ne mangea oncques puis qu'il y entra, car j'ai vu tous les mets entiers tounés d'un lez, dont on l'a servi.» De celle parole le comte s'enfélonna, et sans mot dire, il se partit de sa chambre et s'en vint vers la prison où son fils étoit; et tenoit à la male heure un petit long coutel dont il appareilloit ses ongles et nettoyait. Il fit ouvrir l'huis de la prison et vint à son fils; et tenoit l'alemelle de son coutel par la pointe, et si près de la pointe que il n'y en avoit pas hors de ses doigts la longueur de l'épaisseur d'un gros tournois. Par mautalent, en boutant ce tant de pointe en la gorge de son fils, il l'asséna, ne sais en quelle veine, et lui dit: «Ha, traitour! pourquoi ne manges-tu point?» Et tantôt s'en partit le comte sans plus rien dire ni faire, et rentra dans sa chambre. L'enfès fut sang mué et effrayé de la venue de son père, avecques ce que il étoit foible de jeûner et que il vit ou sentit la pointe du coutel qui le toucha à la gorge, comme petit fut, mais ce fut en une veine, il se tourna d'autre part et là mourut.

(boh, raconté comme ça, c'était sûrement un accident domestique et involontaire)


Portrait de Froissart écrivant à sa  sa table
et saluant un grand seigneur qui vient lui rendre visite.

Les Chroniques de Froissart
sur Historiens et chroniqueurs du Moyen Âge  ici

Le Livre de chasse de Gaston Phébus  

3 commentaires:

  1. Et ses rapports aux femmes ? À mon avis, il devait être charmant, cet homme-là !

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  2. Une époque dure où les parents n'avaient pas de congélateurs pour y mettre les enfants désobéissants! (humour)

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  3. Berthoise, charmant effectivement : "bien qu'elle lui ait donné un fils, il répudie sans ménagement son épouse dès le lendemain de son accouchement. Agnès est chassée, sans d'autres affaires que ce qu'elle porte (wiki)."
    Il a eu ensuite quatre enfants avec sa maitresse. Pour le reste, je n'en sais pas plus mais je m'en doute.

    Isis, de l'humour à froid, certainement !

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