L'asouade ou course de l'âne "asoade, brenade, tambourinage" désigne le châtiment infligé naguère au mari qui s'était laissé battre par sa femme. Faire courir l'âne (ha courre l'asou) avait pour but de ridiculiser publiquement. Cela consistait en une exhibition-promenade par les rues de village et les chemins communaux, de l'animal sur lequel l'infortuné avait été juché à califourchon, mais tête à croupe, tenant la queue dans ses mains en guise de bride et paré d'attributs féminins, tels qu'une cornette déchirée le coiffant et la quenouille au côté. A chaque halte, comme pour les charivaris ordinaires, le plus qualifié de la bande, pareil à quelque jongleur médiéval, chantait sur le mode satirique et bouffon les hauts faits vexatoires qui motivaient semblable punition. La haie de curieux bafouait impitoyablement au passage le pauvre patient : "Harri, youts dus! lo mei asou qu'ei dessus! En avant tous deux! le plus âne est dessus!" Jusqu'à ce qu'un quidam ayant déjà "couru l'âne" pour son propre compte, vînt délivrer son confrère en arrêtant la bête.
Jean Poueigh - Le folklore des Pays d'Oc - La tradition occitane - Payot Paris 1952
L'Aquitain n'a pas toujours été très fin. D'autres régions, autres que le Midi pratiquaient-elles semblable cavalcade ? : on en trouve une trace chez la Comtesse de Ségur (qui vivait en Normandie à Aube dans l'Orne où elle avait son château, mais elle avait peut-être fait quelques tours dans le Sud) dans Diloy le chemineau :
LE GÉNÉRAL
Sois tranquille, mon garçon ; nous ne dirons rien. Mais tu t’enfonces dans une mauvaise route, mon ami : un mari qui a peur de sa femme, c’est risible, parole d’honneur.
MOUTONET
Ce n’est pas que j’aie peur, monsieur le comte, c’est que je l’aime bien et que je ne veux pas la mécontenter.
LE GÉNÉRAL
Ta ! ta ! ta ! je connais cela ; j’en ai vu plus d’un ; quand la femme gronde, le mari ploie le dos, et la femme tape dessus. Et tu sais ce qui arrive à un homme battu par sa femme ?
LAURENT
Quoi donc, mon oncle ? Qu’est-ce qui arrive ?
LE GÉNÉRAL
Le village se rassemble, on place le mari de gré ou de force sur le dos d’un âne, le visage du côté de la queue, et on le promène dans tous les hameaux de la commune.
LAURENT
Mais c’est très amusant, cela ; moi, cela m’amuserait beaucoup.
LE GÉNÉRAL, RIANT.
Ah bien ! quand tu te marieras, tu pourras te procurer ce plaisir.
Dessin de Horace Castelli pour Diloy le chemineau de la Comtesse de Ségur Paris, Hachette, 1887 |
Mais le Landais, le Gascon, l'Occitan n'étaient pas les premiers à enfourcher leur monture à l'envers. A Volubilis au Maroc, près de Meknés, on trouve une mosaïque romaine dans la Maison du Desultor, d'un athlète ou d'un acrobate conduisant à l'envers un âne mais il a plutôt l'air rigolard et il tient une coupe en main (il vient sans doute de gagner une épreuve d'Intervilles de l'époque), ce n'est donc pas un mari battu.
Les Chinois ne sont pas en reste : il ne s'agit pas ici de mari battu ou cocufié mais de pure élévation de la pensée : On peut lire dans le chapitre "La cultivation inverse et l'emprunt du gong" du livre Zhuan Falun que Zhang Guolao, l'un des Huit immortels taoïstes, est assis à l'envers sur son âne; peu de personnes savent pourquoi il est assis à l'envers sur son âne : Zhang Guolao a découvert qu'aller de l'avant revient à aller en arrière (sic), c'est pourquoi il chevauche son âne en sens inverse."(src)
Aller de l'avant revient à aller en arrière, voilà un concept auquel j'adhère sans réserve bien qu'il ne soit pas startupien.