« J’ai été jeune : mon père, qui était plus rigide qu’éclairé, me donna une éducation dure et me dégoûta de la raison, en me l’offrant avec trop de sévérité ; il intimida mon esprit au lieu de l’éclairer, et dessécha mon cœur à force de réprimandes, au lieu de le nourrir et de le former par la douceur.
« Les premières leçons qu’on donne aux enfants doivent toujours porter le caractère du sentiment ; l’intelligence du cœur est plus prématurée que celle de l’esprit ; on aime avant que de raisonner, c’est la confiance qu’on inspire qui fait le fruit des instructions qu’on donne.
Géographie Cours élémentaire -Editions Magnard- 1947 Illustrations René Bresson |
« Mon père n’en usa pas ainsi. Le titre de père me donna plutôt une idée de crainte que de tendresse, la contrainte où j’étais me fit prendre un air gauche qui ne me réussit pas ; quand je débutai dans le monde, mes raisonnements étaient assez justes, mais dépouillés de grâces, et bien souvent la bonne compagnie ne juge de la solitude de l’esprit que par son agrément.
Histoire de la Félicité - 1751
Claude Henri de Fusée de Voisenon Peintre inconnu - Château de Versailles |
Claude-Henri de Fusée (les québécois lui mettent un z, soit Fuzée, ce qui est joli) de Voisenon (1708-1775) a écrit des chansons grivoises, madrigaux, féeries et comédies. Ordonné prêtre, il acquit pourtant une réputation de légèreté ; il appréciait les mondanités et le confort. Voisenon publia en 1746 Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine ou les Métamorphoses, que j'ai lu en sus d'Histoire de la Félicité : une grivoiserie au quatorzième degré qui ne risque d'échauffer les sangs à personne mais pour les quelques lignes sur l'éducation ci-dessus, je lui donne mon affection à Voisenon.
Grand pote à Voltaire, ce dernier lui concocta à sa mort l'épitaphe suivante:
Ici gît, ou plutôt frétille,
Voisenon, frère de Chaulieu.
À sa muse vive et gentille
Je ne prétends point dire adieu,
Car je m'en vais au même lieu,
Comme cadet de la famille.
Lignes qu'on devrait graver sur les murs des maternités, crêches et écoles.
RépondreSupprimerOuais !
Ah ! vous dirai-je, maman,
Ce qui cause mon tourment.
Papa veut que je raisonne,
Comme une grande personne.
Moi, je dis que les bonbons
Valent mieux que la raison.
J'entre en résonance.
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