26 mars 2023

Le vilain petit Canard

Andersen à l'envers

 

   Riche année pour "Le Canard enchaîné". Après les révélations sur son  journaliste devenu espion à la solde des services secrets tchèques pendant la   guerre froide,  (N. Brimo, directeur de l'hebdomadaire depuis 2017, en fut   sidéré) voici que la direction du Palmipède est implicitement visée par un   signalement au parquet pour abus de biens sociaux en rapport avec un     prétendu emploi fictif.

   


   Qui plus est, ce signalement, qui a provoqué l'ouverture d'une enquête   préliminaire de la brigade financière, émane d'un journaliste de la maison,   Christophe Nobili, délégué syndical SNJ-CGT, connu, entre autres exploits,   pour être l'un des trois enquêteurs à l'origine de l'affaire Fillon. Le symbole   n'est pas mince ! "Le Canard" s'est évidemment fait sévèrement canarder sur   le  thème facile de l'arroseur arrosé ou du donneur de leçons qui en reçoit une. C'est le jeu, et l'histoire est trop belle. Sur cet élan, certains médias et réseaux sociaux se sont bien sûr engouffrés dans la brèche, comparant carrément cette affaire avec celle de Pénélope Fillon et son emploi bidon d'assistante parlementaire. Halte-là ! Voici toute l'histoire.

   En juin 1996, André Escaro, administrateur et dessinateur du journal, souhaite prendre sa retraite. C'est un pilier du "Canard"; il a surpris, un soir de décembre 1973, les plombiers de la DST en train de poser des micros dans nos locaux. Il était également l'auteur à chaque numéro, d'une demi-douzaine de ce qu'en jargon on appelle des "cabochons"(petits dessins) illustrant les échos politiques de la page 2.

   Soucieuse de préserver cette identité graphique tout à fait originale, la direction de l'hebdomadaire tente de le convaincre de continuer, au moins, à apporter sa contribution hebdomadaire. Il est d'abord réticent, arguant que le cumul emploi-retraite n'est alors pas autorisé et, surtout, qu'il entend dorénavant s'éloigner des turbulences politiques pour mieux se consacrer à ses passions, la peinture sur toile et la culture de ses champs. (et à son château médiéval) 

La Ventrouze, dans l'Orne, château médiéval du dessinateur Escaro
et de sa compagne (entre autres propriétés)

   Il cédera finalement, à condition que sa compagne, Edith, l'épaule en lui mâchant un peu (mais pas trop) le travail.  Il continuera de dessiner, mais elle lira la presse pour lui et l'aidera à trouver l'astuce qui fait le sel des cabochons. (l'argument qui tue, du Fillon pur sucre) Depuis 1980, Edith est journaliste professionnelle, et, jusqu'au début des années 90, elle a été rédactrice en chef du "Collectionneur français" dirigé précisément par André Escaro, une revue spécialisée pas vraiment satirique mais dont les titres étaient souvent humoristiques. Autant dire que ces deux-là avaient l’habitude de travailler en binôme. (donc Escaro veut prendre sa retraite mais finalement il ne la prend pas)

   C'est ainsi qu'Edith a été embauchée, en renfort d'André, lequel, évidemment, n'a plus touché un sou. Et que plus de 8000 cabochons originaux ont été conçus (par qui?) au cours de ces vingt-six années.

   L'enquête dans laquelle les dirigeants n'ont pas encore été tous entendus, déterminera si ce montage qui peut, certes, paraître un peu (un peu?) acrobatique, est attaquable ou non sur le plan administratif. Mais où est la victime? Quel "abus"? Et quel "bien social" ? Qui a été lésé ? L'Etat ? Il ne s'agit pas d'argent public comme dans l'affaire Fillon. (la sécu, la Cnav auraient été privatisées ?) L'Urssaf ? Les cotisations lui ont été dûment payées, ainsi qu'aux caisses de retraite. (bien sûr, puisque c'est sur ces organismes que repose l'arnaque) Les Impôts ? Pacsé, le couple a fait des déclarations communes et a été taxé dans les mêmes conditions. "Le Canard" employeur ? Il n'en a tiré aucun avantage, sinon de recevoir en contrepartie du salaire versé des dessins qui n'avaient rien de "fictif", 52 semaines par an. Ajoutons qu'André Escaro, administrateur du journal jusqu'en juin - il ne détenait que 1 action sur 1000 - n'a pas été rétribué à ce titre, tout comme les autres administrateurs.

   En apprenant que leur travail était mis en cause, Escaro et Edith ont rendu, en juin, leur tablier. (mais pourquoi ?)  Il n'y aura donc plus de cabochons escarolesques.

   Rappelons, pour rassurer nos lecteurs, que " Le Canard" n'a pas l'habitude de jeter l'argent par les fenêtres et de rémunérer des fantômes. Il est réputé pour avoir une gestion rigoureuse, ( on vient d'en avoir un exemple) près de ses sous, déplorent même certains. Comme chacun le sait, il s'efforce, année après année de constituer un solide trésor de guerre pour conforter son indépendance et assurer sa pérennité. Sans la moindre aide directe de l'Etat ni d'un milliardaire du CAC 40. Un luxe rare dans la presse d'aujourd'hui.

Le Comité d'administration du "Canard"(1)
31 août 2022
(1) Odile Benyahia-Kouider, Nicolas Brimo, Erik Emptaz, Michel Gaillard, Jean-François Julliard, Hervé Liffran
(On pensait innocemment avoir affaire à des chevaliers blancs mais comme dans la vraie vie, il s'agit de  canards tout ce qu'il y a de boiteux,  la merde au cul.)

   Résumé des contorsions : Avant sa retraite en juin 1996, le dessinateur Escaro fournissait à son employeur "Le Canard enchaîné" 6 cabochons (petits dessins) par semaine. Après sa retraite, "Le Canard enchaîné" a reçu 6 cabochons (petits dessins) par semaine du dessinateur Escaro et ce , durant 26 ans.

   Cherchez Edith ! celle-ci déjà associée, depuis 1990, à son compagnon dans la culture de fruits à pépins et à noyau s'est vue gratifier d'un Cdi et de ce qui va avec, d'une couverture maladie, d'une quasi carrière de retraite (le temps s'y prête) et d'une retraite chapeau de l'employeur "Canard enchaîné".

Escaro André et Vanderdaele Edith   
Les  Bl.....
26110 Nyons
Siret : 414 355 289 00011
Société de fait entre personnes physiques
Culture de fruits à pépins et à noyau
Créée le 01/06/1990

   Si la justice passe, Escaro devra signaler à sa caisse de retraite un cumul emploi retraite rétroactif non signalé sur 26 ans. Sa compagne Edith devra reverser à son employeur 26 années de salaire, primes, prime de départ ainsi que les mensualités de sa retraite chapeau, verra ses droits personnels à l'assurance maladie annulés et les prises en charge qui vont avec, verra  26 années soit 104 trimestres cotisés auprès de sa caisse de retraite annulés et devra rembourser au prorata les versements indus de sa retraite  Cnav. 
   Mais bon, le couple, vu la très longue durée des exactions, verra sa peine adoucie, (c'est des rapiass comme les llonfi) par la prescription. Et il pourra demander auprès des impôts un nouvel examen de situation.  

 
Escaro



   Chapeau !!!