Adam, où es-tu ?
Voltaire jouant aux échecs avec le père Adam (1775)
Huber Jean (1721-1786)
Rien de tel pour mettre en condition et déstabiliser l'adversaire qu'un aimable petit bitos à quoi l'on peut rajouter coups d'oeil par en-dessous, raclements de gorge répétés, contorsions sur sa chaise avec risques de chute, bourdon lointain d'une petite chanson fredonnée, tripotages intempestifs des pièces, (j'adoube) et si l'on peut, quelques tics ou tocs bien placés, mais Voltaire avait beau faire, rien ne marchait pour lui :
Voltaire le 12 février 1764: "Je les aime, je me passionne et le père Adam qui est une bête m'y gagne sans cesse, sans pitié ! tout a des bornes ! pourquoi suis-je aux échecs et pour lui le dernier des hommes ? tout a des bornes..."
Quand la partie s'annonçait mal pour lui, Voltaire se mettait à chanter une sorte de "tourloutoutou" que le père Adam écoutait comme un affreux présage. Plus d'une fois on vit le père s'enfuir en courant, bombardé par les pièces du jeu qui s'accrochaient dans sa perruque. Parfois, poursuivi par la canne, il se cache dans un placard. L'orage s'apaisait vite. Voltaire demandait: "Adam, ubi es ?" Adam réapparaissait, on lui avait pardonné son involontaire victoire.
Extrait : Source : Mjae