"Le Tour pratique communément une énergétique des esprits. La force dont le coureur dispose pour affronter la Terre-Homme peut prendre deux aspects : la forme, état plus qu'élan, équilibre privilégié entre la qualité des muscles, l'acuité de l'intelligence et la volonté du caractère, et le jump, véritable influx électrique qui saisit par à-coups certains coureurs aimés des dieux et leur fait alors accomplir des prouesses surhumaines. Le jump implique un ordre surnaturel dans lequel l'homme réussit pour autant qu'un dieu l'aide : c'est le jump que la maman de Brankart est allée demander pour son fils à la Sainte Vierge, dans la cathédrale de Chartres, et Charly Gaul, bénéficiaire prestigieux de la grâce, est précisément le spécialiste du jump ; il reçoit son électricité d'un commerce intermittent avec les dieux ; parfois les dieux l'habitent et il émerveille ; parfois les dieux l'abandonnent, le jump est tari. Charly ne peut plus rien de bon."
Roland Barthes, « Le Tour de France comme épopée », Mythologies
(Le Seuil, 1957, pp. 106-107)
(Mouais...)
Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913