Il n'y en a plus que pour eux: les propriétaires. C'est à eux que S. va offrir 5 milliards d'euros de déductions fiscales. Rien, pas un sou pour les locataires, ces maudits, ces galeux, ces indésirables de la France d'après. Et pourtant.
Pourtant, être locataire offre de multiples avantages. D'abord, le locataire n'a pas à passer ses week-ends à bricoler tout en répétant d'un air accablé: "Dans une maison, y a toujours quelque chose à faire." Pendant que le propriétaire fait ses travaux, le locataires reçoit ses amis pour l'apéro. Et il les choisit, ses amis. Il fréquente qui lui plaît: il n'a pas à se coltiner ces affreuses réunions de copropriétaires où les voisins s'écharpent pour la mise aux normes des ascenseurs, le ravalement de la façade et l'installation d'un Digicode. Il ne paie pas d'impôt foncier. Ne se passionne pas pour les pages "Vivre votre argent" des journaux, pour des histoires de patrimoine à faire fructifier, de plus-value, d'emprunt, de taux d'intérêt fixe ou flottant. Son banquier lui fiche une paix royale et réciproquement. Le locataire ne laisse pas de biens immobiliers derrière lui: du coup, ses héritiers n'ont pas à s'entretuer pour l'héritage. Alors que le propriétaire est rivé à sa propriété telle la moule à son rocher, il lui est toujours loisible de bouger, de déménager, de changer d'air. Et même s'il ne le fait pas, la simple idée de se savoir libre d'attaches le réjouit.
Certes, le locataire, au fond, rêve d'être propriétaire. Certes, il est à la merci du sien, de propriétaire, de ses augmentations de loyer, de ses ventes à la découpe, des travaux qu'il ne fait pas. Certes, il râle tous les mois quand il signe le chèque du loyer.
Mais remercions-le. Grâce à lui, les campagnes ne sont pas encore recouvertes de lotissements pleins de pavillons avec haies de thuyas et nains de jardins partout. Il nous laisse respirer. Il est du côté de la cigale. Il laisse la pensée unique des fourmis aux propriétaires. On devrait le déclarer d'utilité publique!