07 décembre 2008

Homo est là

"Il est vrai que l'on a souvent accusé le structuralisme d'antihumaniste, je ne dirai pas que c'est totalement faux, je dirai que c'est seulement à moitié vrai, parce que au total qu'est ce qu'on nous reproche, on nous reproche deux choses, l'une sur le plan épistémologique et l'autre sur le plan moral...


La pensée sauvage (viola tricolor) de Claude Lévi-Strauss
...maintenant, il y a le point de vue moral qui s'inspire de considérations complètement différentes et qui chez un ethnologue ne peut pas lui être inspiré par le spectacle de la destruction monstrueuse, systématique des cultures différentes de la nôtre, auquel s'est livré peut-être depuis très longtemps mais disons pour simplifier, depuis l'époque de la découverte de l'Amérique et depuis les grandes découvertes et la colonisation jusqu’à nos jours et nous ne pouvons pas isoler la condamnation de cette destruction de sociétés humaines, de toutes sortes, d'autres destructions auxquelles on a assisté en même temps, et auxquelles on assiste bien davantage aujourd'hui, destruction des espèces animales, destruction des espèces végétales et tout çà au nom de quoi: au nom d'un certain humanisme qui a été celui de la Renaissance et qui est resté le nôtre depuis, qui est un humanisme outrancier, un humanisme agressif par lequel l'homme se situe lui-même comme seigneur et maître de la création et tout le reste étant à disposition. Où est-ce que ça nous a conduit, nous le voyons, ça nous a conduit à de grandes guerres d'extermination, ça nous a conduit aux camps de concentration, ça nous a conduit à l'extermination d'une partie même de l'humanité par elle-même, cette partie même de l'humanité qui se considérait supérieure à tout le reste de l'humanité. Pourquoi? Parce que me semble t-il, l'humanisme classique a défini l'homme de façon beaucoup trop étroite, il l'a défini comme être pensant au lieu de le définir comme être vivant. Il a placé beaucoup trop prés de l'homme les frontières où s'arrêtait l'humanité elle-même et par conséquent, il ne se trouvait même plus suffisamment protégé contre ses propres attaques parce que le rempart était trop près de la place forte, si je puis dire, il n'y avait plus les glacis protecteurs qui pouvaient le garantir. "

Extrait de Claude Lévi-Strauss, film de Pierre Beuchot, d'après un entretien avec Jean-José Marchand, réalisé en 1972 Arte France et Ina

[Tout est dit.
En résumé : l’homme a le melon.]

Image barbotée.

2 commentaires:

  1. « D’après Codrington, un indigène de Mota découvre son tamaniu par une vision, ou à l’aide de techniques divinatoires. Mais, à Aurora, c’est la future mère qui s’imagine qu’une noix de coco, un fruit d’arbre à pain, ou quelque autre objet, est lié mystérieusement à l’enfant qui en serait une sorte d’écho. »

    Cl. L.-Str., la Pensée sauvage, Plon, 1962
    (p. 101-102)

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  2. Arbre à pain et noix de coco, c'est tout ce qu'il me faut. Merci J. Barbaut

    ♫ Ta mère t'a donné comme prénom
    Salade de fruits, ah! quel joli nom...
    Pendus dans la paillote au bord de l'eau
    Y'a des ananas, y'a des noix de coco...
    Bourvil
    (pour une ethnologie en musique)

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